Header Ads Widget

Ticker

6/recent/ticker-posts

Coupant



Je n'avais pas d'opinion sur "l'affaire" Julien Coupat parce qu'après tout je n'ai aucun accès au dossier (et au début, certains de ses défenseurs semblaient dire à la fois qu'il était innocent des sabotages, que les sabotages n'étaient pas si graves et qu'il avait eu raison de saboter, ce qui me prédisposait contre lui). Et s'il était vraiment un des co-auteurs de L'Insurrection qui vient, je l'imaginais comme finalement très heureux d'être ainsi sous la répression de l'Etat de la classe bourgeoise.

Mais il semble quand même désormais très vraisembable que l'affaire réelle ne soit pas une nouvelle "Action Directe", mais plutôt une Affaire Alliot-Marie, l'arrestation sans preuves suffisantes, dans un mépris total de la procédure formelle, et si cela se confirme, cela pourrait un jour devenir une vraie affaire d'Etat et une crise de notre Etat de droit.

La longue interview de l'Epicier de Tarnac paraît ironiquement (comme le fait remarquer Coupat) dans le Monde, notre ancien quotidien de référence qui avait historiquement un ton rocardo-tiersmondiste mais qui a clairement glissé plus à droite récemment vers des accents balladuro-sarkozystes, même après l'éviction de la clique de Colombani.

Nous vivons actuellement, en France, la fin d'une période de gel historique dont l'acte fondateur fut l'accord passé entre gaullistes et staliniens en 1945 pour désarmer le peuple sous prétexte d'"éviter une guerre civile". Les termes de ce pacte pourraient se formuler ainsi pour faire vite : tandis que la droite renonçait à ses accents ouvertement fascistes, la gauche abandonnait entre soi toute perspective sérieuse de révolution. L'avantage dont joue et jouit, depuis quatre ans, la clique sarkozyste, est d'avoir pris l'initiative, unilatéralement, de rompre ce pacte en renouant "sans complexe" avec les classiques de la réaction pure – sur les fous, la religion, l'Occident, l'Afrique, le travail, l'histoire de France, ou l'identité nationale.


C'est un des pires passages tant c'est binaire. Tout se réduit à l'opposition entre des degrés de fascisme et la Rue. Il y a un aspect en effet réactionnaire très marqué mais je ne suis pas sûr qu'on ait à remonter à un "Pétainisme transcendantal" comme dirait l'autre ni que cela soit vraiment plus violent qu'une partie du CNIP ou l'UDR sous Pompidou, Messmer & Marcellin.

Quant à l'extrême gauche à-la-Besancenot, quels que soient ses scores électoraux, et même sortie de l'état groupusculaire où elle végète depuis toujours, elle n'a pas de perspective plus désirable à offrir que la grisaille soviétique à peine retouchée sur Photoshop.


Quatremer a dit que les journalistes appelaient désormais José Manuel Barroso "Le Grand Abstrait" après une vidéo parodique de Libertas, et appeler Besancenot "Brejnev sous Photoshop" est une bonne trouvaille.

Dans ces conditions, la seule force qui soit à même de faire pièce au gang sarkozyste, son seul ennemi réel dans ce pays, c'est la rue, la rue et ses vieux penchants révolutionnaires. Elle seule, en fait, dans les émeutes qui ont suivi le second tour du rituel plébiscitaire de mai 2007, a su se hisser un instant à la hauteur de la situation. Elle seule, aux Antilles ou dans les récentes occupations d'entreprises ou de facs, a su faire entendre une autre parole.


Dans le Cliché Soixante-huitard sans peine, on utilise souvent la formule "X n'existe pas" avec un X tout à fait du sens commun. Mais je crois assez plausible que "La rue, cela n'existe pas", et qu'un déconstructeur qui a le goût du paradoxe plus que de la vérité tombe dans une naïveté confondante en groupant toute émeute et manifestation sous un même concept du "Groupe en Fusion" ou dans ce flux "spontanéiste" de "la Rue".

Vous êtes issu d'un milieu très aisé qui aurait pu vous orienter dans une autre direction…

"Il y a de la plèbe dans toutes les classes" (Hegel).


Malgré toute l'admiration qu'on peut avoir pour les Gracques, la petite citation est ici le comble de la mauvaise conscience (surtout que je doute que cela soit si positif chez Hegel...).

La philosophie naît comme deuil bavard de la sagesse originaire.

Platon entend déjà la parole d'Héraclite comme échappée d'un monde révolu.


Une irruption d'un ton heideggerien sur un état originel d'une Pensée de l'être encore pleine de potentialités inouies, ensuite circonscrite dans la métaphysique. Une des grandes nouveautés de la pensée révolutionnaire de l'après-guerre est que ce mythe de la radicalité originelle, si réactionnaire, soit intégrée dans les radicaux politiques. Un Autre Monde n'est pas seulement un avenir possible, il a été Oublié en puissance, comme des Atlantides englouties.

Ce qui fonde l'accusation de terrorisme, nous concernant, c'est le soupçon de la coïncidence d'une pensée et d'une vie ; ce qui fait l'association de malfaiteurs, c'est le soupçon que cette coïncidence ne serait pas laissée à l'héroïsme individuel, mais serait l'objet d'une attention commune.


Comme on dit vulgairement, là, notre Héros se fait vraiment tout un petit roman sur sa singularité.

Le partage ne passe donc pas, comme le voudrait la fiction judiciaire, entre le légal et l'illégal, entre les innocents et les criminels, mais entre les criminels que l'on juge opportun de poursuivre et ceux qu'on laisse en paix comme le requiert la police générale de la société. La race des innocents est éteinte depuis longtemps, et la peine n'est pas à ce à quoi vous condamne la justice : la peine, c'est la justice elle-même, il n'est donc pas question pour mes camarades et moi de "clamer notre innocence", ainsi que la presse s'est rituellement laissée aller à l'écrire, mais de mettre en déroute l'hasardeuse offensive politique que constitue toute cette infecte procédure.


La dialectique foucaldienne que Coupat sait si bien parodier a quelque chose de fascinant. La pensée de l'innocence est déjà un embrigadement policier (parce que cela suppose des démarcations et clivages du crible de la gouvernementalité) et donc il ne dit pas être innocent et il n'y a pas à se réclamer de la justice, mais il est victime d'une injustice et n'est pas coupable.


Heureusement, le ramassis d'escrocs, d'imposteurs, d'industriels, de financiers et de filles, toute cette cour de Mazarin sous neuroleptiques, de Louis Napoléon en version Disney, de Fouché du dimanche qui pour l'heure tient le pays, manque du plus élémentaire sens dialectique. Chaque pas qu'ils font vers le contrôle de tout les rapproche de leur perte.


Je dois reconnaître que ce passage est vraiment pas mal écrit dans son pastiche du classicisme de Guy Debord avec une touche de moralisme hugolien du XIXe siècle ("de financiers et de filles"), mais c'est peut-être seulement mon Syndrome de Sarkophobie qui me fait aimer le "Louis Napoléon en version Disney".

Coupat a peut-être raison sur la "dialectique" (si ce terme peut recevoir un sens un peu intelligible). Le fait qu'on le lise l'illustre d'ailleurs. Une des bizarreries de ce régime actuel si anti-intellectuel et misologue est qu'il s'évertue à donner tant d'audience à ces petits groupes radicaux si philosophiques ou si "sophistiques".

Yorum Gönder

0 Yorumlar